Temps critiques #14

Internationalisme prolétarien ou universalisme humain ?

, par Yves Coleman

Vous affirmez que je réduirais la question de l'internationalisme aux liens existant entre de «  mini-organisations politiques ». Cela relève d'un faux procès, même si, je vous l'accorde, « La triste farce… » est un texte plutôt négatif, qui ne propose pas grand-chose.

Tout d'abord il est évident que, lorsqu'on s'adresse à des militants d'organisations d'extrême gauche ou libertaires, on leur parle des positions de leurs… groupes et de ce qu'ils ont les moyens de faire immédiatement, avec leurs moyens limités. Et « La triste farce… » était au départ un court billet d'humeur provocateur (qui s'est considérablement allongé au fil des jours pour répondre aux critiques) s'adressant à cette frange organisée qui essayait (et essaye encore) de nous faire prendre des défaites pour des victoires, des reculs pour des avancées, et qui surtout alimente des illusions dont l'ampleur est beaucoup plus vaste que le petit milieu d'extrême gauche ou libertaire.

Dans ce texte, je n'ai effectivement pas pu le préciser, mais je suis parfaitement conscient que l'internationalisme prolétarien n'a jusqu'ici guère eu de succès, comme je l'ai d'ailleurs écrit dans Metamute (magazine Internet britannique) en juillet dernier :

« L'internationalisme n'est pas un sentiment spontané. Il doit être nourri par une culture politique commune, des discussions, de nombreuses réunions, etc. Il doit mobiliser l'énergie de gens qui parlent plusieurs langues, de traducteurs et d'interprètes, etc. C'est un processus long et difficile que de communiquer dans plusieurs langues, lorsque les interlocuteurs viennent de cultures politiques différentes, et même s'ils appartiennent au même courant politique. (…)

« L'internationalisme doit correspondre à une nouvelle vision de l'Europe [et du monde, aurais-je dû ajouter], vision qui devrait rompre avec l'universalisme bourgeois français fondé sur la Déclaration des droits de l'homme, et aussi bien sûr rompre avec l'universalisme bourgeois américain, son ennemi principal à l'échelle mondiale. Tous deux ont de solides racines nationales, même si leurs partisans, dans toutes sortes de pays, pensent qu'ils ont une vision internationaliste, parce qu'ils défendent la conception française ou américaine de la liberté et de la démocratie.

« L'un des objectifs du Traité constitutionnel, fortement influencé par les politiciens français, d'où son nom de "constitution Giscard"1, était de faire adopter une nouvelle idéologie pour l'impérialisme européen qui tente maintenant d'apparaître sur la scène mondiale et de se donner des structures politiques cohérentes.

« Développer et créer un nouvel internationalisme signifierait que des forces nombreuses et variées acceptent d'agir et de penser en même temps, dans les mêmes termes, dans différentes langues. L'internationalisme n'est pas une collection, un rassemblement de nationalismes de gauche. Il doit être créé avec de nouveaux concepts et moyens intellectuels.

« La Première Internationale est peut-être plus proche de ce dont nous avons besoin aujourd'hui. À l'époque, le processus d'inté-gration nationale n'avait pas encore atteint le niveau qu'il atteignit durant l'apogée de la Seconde Internationale ; pour les militants de la fin du xixe siècle l'internationalisme se définissait avant tout par une profonde empathie pour les valeurs des Lumières, ainsi que la lutte contre toutes les dictatures et les Églises. La Deuxième Internationale a rassemblé des partis aux perspectives purement nationales, comme le montre leur position pratiquement unanime en faveur de la guerre en 1914. Et la Troisième Internationale a été subordonnée au centre russe et à ses intérêts purement étatiques. Nous devons inventer une nouvelle façon de pratiquer l'internationalisme. »

Vous préférez appeler cela « l'universalisme », ou plaider pour un va-et-vient dialectique entre internationalisme et universalisme. Pourquoi pas ? Vous soulevez avec raison les ambiguïtés du terme internationalisme — mais ces ambiguïtés étaient déjà présentes il y a un siècle et demi, du moins si l'on se situe dans la perspective marxiste la plus radicale. Le terme ne me pose aucun problème, mais je ne réduis point la question de l'internationalisme à des liens entre de « mini-organisations politiques » comme vous le prétendez. Si vous vous étiez reporté à Prol-Position, bulletin informatique d'information sur les luttes ouvrières, auquel fait référence « La triste farce… » et dont les éditoriaux ont été traduits et publiés sur le site mondialisme.org vous auriez pu lire de nombreux comptes rendus sur des luttes dans plusieurs pays d'Europe, articles bien éloignés de toute préoccupation groupusculaire…

« Culpabilisation antifrançaise » ?

Cette expression sous votre plume est pour le moins curieuse. Je comprends que la « culpabilisation » vous dérange, à cause de sa dimension manipulatrice et moraliste. Sur ce point nous sommes d'accord. Mais en quoi l'expression d'un sentiment « antifrançais » vous irrite-t-elle ? Vous qui paraissez si pointilleux sur l'usage du vocabulaire, vous reprenez ici une expression fort prisée de nos adversaires politiques.

Dans votre réponse vous dénoncez une « culpabilisation anti français assez agressive » qui serait le fait des milieux altermondialistes, et vous citez en exemple « l'Appel des indigènes »2.

Je ne crois guère à une véritable « culpabilisation antifrançaise » dans des milieux qui se gargarisent sans cesse de la République, du citoyennisme, y compris les fameux « indigènes », surtout quand ils expliquent en même temps que la France n'a pas été assez reconnaissante avec ses troupes coloniales… On nage en pleine confusion politique, chez ces gens-là, ou plutôt dans un marais d'opportunistes qui surfent sur des problèmes réels, mais dont il est vain d'attendre la moindre cohérence intellectuelle, et surtout la moindre radicalité.

De fait, si les « indigènes » ont un avenir, ce sera beaucoup plus dans une logique de lobbying pour minorités ethniques qui connaîtra sans doute le même parcours politique que le féminisme3, ou que ses modèles anglo-saxons. Parti à gauche, voire à l'extrême gauche, ce mouvement finira dans des associations type les « Noirs Bac+5 » (qui existent déjà) dont la cause est certes respectable (ils protestent contre les discriminations scandaleuses dont ils sont victimes à l'embauche) mais dont l'objectif (ajouter une touche de couleur dans le camp des exploiteurs) ne peut être le nôtre.

À ma connaissance, il existe en Europe un seul courant prétendument « antinational » important, les Anti-Deutsch en Allemagne4 (il y en a aussi un en Grèce mais plus faible), mais ce mouvement repose sur la dénonciation de la culpabilité collective du peuple allemand dans les crimes du nazisme. Parti de l'extrême gauche maoïsante, il en est arrivé aujourd'hui à soutenir les entreprises militaires d'Israël (par crainte d'être accusé d'antisémitisme) et de l'impérialisme américain — pardon, de la puissance américaine.

Quant à lui, le mouvement altermondialiste est très loin d'une démarche « antinationale », donc « antifrançaise », pour des raisons évidentes : de la Révolution de 1789 à Mai 1968, il a de quoi se gargariser de la supériorité politique française, tout comme vous d'ailleurs, mais pour d'autres raisons, heureusement, en ce qui vous concerne.

Vous affirmez que je confonds un événement qui se produit dans un cadre national avec son caractère automatiquement chauvin, démarche qui serait effectivement stupide. Mon propos était uniquement de relativiser la prétendue exemplarité de la France : depuis la Commune de Paris (et encore ne s'agissait-il pas d'une insurrection vraiment ouvrière et avait-elle une dimension nationaliste), il y a plus de 130 ans, le prolétariat français contrairement à d'autres prolétariats européens n'a plus jamais essayé de détruire l'État bourgeois. Vous semblez considérer que dans les autres pays européens les exploités ne sauraient pas explorer les voies du politique mais seulement celles du syndicalisme, de l'« économisme trade-unioniste » (pour parler comme Lénine) ou du communautarisme. En admettant que cela soit le cas (et c'est inexact, au cours des cent dernières années, pour l'Italie, l'Allemagne, la Hongrie, le Portugal, l'Espagne et… la Russie — j'en oublie sans doute), en quoi cela induit-il une « force » politique quelconque ? Et pourquoi cette supériorité politique serait-elle en quelque sorte éternelle de 1789 à nos jours, sur le seul territoire « français » ?

De plus, autant la force politique d'un prolétariat donné pouvait intéresser un Marx qui privilégiait les révolutions armées et les barricades, autant on ne voit guère en quoi une telle caractéristique serait utile à vos yeux puisque pour vous il n'y a plus ni classes, ni États-nations, ni impérialismes, et que la perspective d'une insurrection armée centralisée vous semble encore plus lointaine qu'elle ne l'était dans les années 20.

Quant à la question du lien entre un multiculturalisme5 et chauvinisme, je ne crois pas du tout que ces deux idéologies s'excluent l'une l'autre, comme en témoignent les exemples américain et britannique. Il existe un chauvinisme multiculturel, c'est d'ailleurs une des grandes réussites du système américain que de pousser ses nouveaux citoyens à payer le prix du sang sur les champs de bataille à chaque génération.

« Plombiers polonais » ou soutien aux luttes de classe dans les PECOS ?

Vous me mettez dans le même panier que les journalistes du Monde à propos des « plombiers polonais », mais vous oubliez gaillardement de mentionner les analyses parues dans Prol-Position qui montrent à quel point les entreprises de l'Ouest européen (allemandes mais aussi françaises) pillent les pays d'Europe de l'Est. Si vous vous étiez intéressés à la démarche des camarades de Prol-Position cités dans « La triste farce… » vous auriez découvert que l'objectif était beaucoup plus large : tisser des liens entre les travailleurs de l'Est et de l'Ouest de l'Europe, ne pas laisser les luttes isolées notamment lorsqu'elles se déroulent dans les mêmes multinationales, démasquer la propagande nationaliste de chaque bourgeoise nationale, etc. Cela suppose donc de montrer notamment comment les entreprises françaises qui investissent à l'Est paient des salaires de misère, dégraissent à tour de bras, persécutent les organisations syndicales et font tout pour augmenter la productivité des travailleurs6.

Chauvinisme ou défense du « niveau minimum de salaire » ?

 « Les ouvriers suédois qui ont réagi à la venue d'ouvriers « sauvages » des pays baltes sont-ils français ? chauvins ? xénophobes ? ou défendent-ils simplement leur niveau minimum de salaire ? » écrivez-vous.

Les termes de vos questions sont pour le moins ambigus. Les antagonismes entre prolétaires ne sont pas seulement liés à l'origine ethnique ou nationale, et sont aussi vieux que le capitalisme. Il suffit de lire pour cela l'autobiographie de Martin Nadaud, maçon de la Creuse, qui montre à quel point les Creusois étaient victimes de discriminations dans le bâtiment au xixe siècle et de toutes sortes de légendes « racistes » idem pour les conflits potentiels entre jeunes et vieux, hommes et femmes, individus plus rapides ou plus lents, etc., sur le marché du travail. L'argument réaliste (ou maladroit ?) de la défense du « niveau minimum de salaire » peut justifier toutes les dérives. Je ne vois pas bien ce que ce truisme vient faire dans votre raisonnement « radical ».

Mais il y a plus grave. La Suède, tout comme le Danemark, est un pays redoutablement chauvin et xénophobe, et ce bien avant la récente indépendance des pays baltes, comme les ouvriers finlandais peu qualifiés qui travaillent en Suède le savent déjà depuis des dizaines d'années, tout comme les autres immigrés « extra européens » arrivés plus récemment. Chasses à l'homme organisées par des groupes de skinheads et de néo-nazis contre les travailleurs immigrés le samedi soir, plaisanteries racistes, brimades policières sont le lot quotidien des ouvriers ou résidents étrangers « basanés » vivant en Suède. De plus la naturalisation dans ces pays est un processus extrêmement difficile, comme en témoignent les difficultés que rencontrent les Scandinaves eux-mêmes lorsqu'un Danois épouse une Suédoise ou vice versa. Votre exemple est donc particulièrement mal choisi.

« Il y a d'ailleurs fort à parier que n'importe quel travailleur immigré en France depuis une date plus ancienne, aurait la même réaction que le travailleur "français" », écrivez-vous. Effectivement. Mais je ne vois pas pourquoi il ne faudrait pas dénoncer le racisme ou la xénophobie des travailleurs immigrés contre d'autres nationalités ou ethnies. Le texte n'aborde pas ce problème parce que les étrangers ne votaient pas lors des dernières élections sur le tce, et surtout parce qu'il n'existe aucune organisation immigrée influente qui mènerait une propagande contre les immigrés les plus récents et qui serait massivement reprise par les médias ou les grands partis politiques.

On ne peut confondre des préjugés largement répandus dans toutes les couches de la population (française ou étrangère) et une idéologie politique telle que le chauvinisme de gauche, « à la française », défendu de façon plus ou moins masquée par des organisations et des syndicats qui osent encore affirmer défendre les intérêts des travailleurs. Il y a un certain continuum entre les préjugés chauvins, racistes ou xénophobes des individus pris isolément et les partis politiques (ou les syndicats) qui s'en servent pour parvenir au pouvoir ou s'y maintenir. Mais il est évident que, dans les conversations individuelles comme dans la propagande, on ne s'adresse pas de la même façon :

– aux individus qui peuvent avoir des paroles maladroites, parfois en contradiction avec leurs actes dans les luttes ou dans la vie quotidienne7,

– et aux militants et cadres politiques de gauche ou d'extrême gauche qui font flèche de tout bois dans leur propagande, et ignorent les principes de base qu'ils sont censés défendre.

Ne faites-vous pas la différence, par exemple entre un travailleur néerlandais qui se révolterait contre la concurrence des travailleurs illégaux sur le marché du travail et exprimerait des opinions racistes ou xénophobes dans une conversation au boulot ou au bistrot, et un syndicat néerlandais qui mettrait à la disposition du public un numéro vert pour dénoncer les illégaux — comme c'est le cas aux Pays-Bas ? Dans le premier cas, vous essayeriez de discuter avec ce travailleur, dans le second cas, vous dénonceriez le syndicat comme un agent de la bourgeoisie (pardon, du Capital) sans faire preuve de la moindre « compréhension » !

Référendum : et le Oui ?

« Si le Non est impérialiste, pour toi, alors qu'est le "Oui" ? Une autre alternative impérialiste ? Un progressisme qui hâte le jour de la révolution mondiale, parce qu'il participe de la destruction de la forme État-nation ? » demandez-vous.

Je ne me suis pas intéressé au vote « oui » car ce vote, lui aussi composite (il n'y a pas 10 millions de bourgeois qui ont voté oui) était encore pire que le vote non, dans la mesure où il acceptait sans la moindre critique le cadre fixé par les fractions dominantes de la bourgeoisie, pardon du Capital. Les partisans les plus conséquents du oui étaient favorables à la création d'une « Europe puissance », c'est-à-dire d'un impérialisme européen doté d'un État européen fédéral et supranational et d'une armée européenne « efficace ». Quant aux partisans du non, ils se divisaient de façon artificielle en partisans traditionnels de l'État nation (donc, du pré carré de l'impérialisme français, de Villiers à Le Pen en passant par Chevènement) et en défenseurs d'une « autre Europe » dont le citoyennisme et l'altermondialisme ne se différenciaient des partisans du oui que par des phrases creuses contre l'épouvantail du méchant « néolibéralisme », paravent dont l'unique fonction est d'éviter la discussion sur la nécessaire destruction du capitalisme, du salariat et de l'État.

 

 

Notes

1 – Comme l'ont précisé les « constitutionnalistes » Bastien François (co-auteur de La Sixième République avec Arnaud Montebourg) lors d'une interview à rfi et M. Bourgeois (au nom prédestiné !!! — et l'un des rédacteurs de la Constitution portugaise après le 25 avril) au cours des Journées parlementaires du pcf à Saint-Arnand-les-Eaux le 30/09/2005, l'objet d'une Constitution est de créer un consensus autour de valeurs, de réaffirmer l'unité nationale (quand il s'agit d'un pays) ou de créer une unité continentale (dans le cas du défunt tce) pour lui donner de solides bases juridiques, morales et politiques. Dans les deux cas, une Constitution a pour but de créer du « lien social », comme disent les politiciens. À moins de considérer toutes ces discussions comme d'ordre purement théologique, on doit quand même se demander quelles sont les forces matérielles qui poussent depuis cinquante ans les États européens à créer une structure juridique et politique supranationale.

L'hypothèse d'un impérialisme européen en gestation me semble, pour le moment, la plus pertinente, comme l'illustrent les nombreuses études concrètes menées par le groupe italien Lotta comunista depuis plus de vingt ans sur les grands groupes industriels européens et dont une partie ont été éditées dans le mensuel français L'Internationaliste. Pour les questions géostratégiques dont ce groupe est (parfois exagérément) friand on se reportera à L'Europe et la guerre, et L'Ordre instable du multipolarisme de Guido La Barbera, et Le Monde multipolaire d'Arrigo Cervetto. Certes, à en lire sa presse publique, ce groupe semble faire une fixation sur la prose, les stratégies et les actions des classes dominantes, mais au moins ces camarades essaient-ils de comprendre les rapports entre les différentes puissances à l'échelle mondiale et l'évolution possible de l'Union européenne. À ma connaissance, un tel travail n'a été mené par aucune autre tendance révolutionnaire de façon aussi systématique. Bien sûr, cela ne signifie pas qu'ils aient raison (d'ailleurs qui a « raison » en cette période de recul et de tâtonnements ?), mais au moins leurs hypothèses les plus stimulantes reposent sur des données concrètes et précises, permettant débats et réfutations.

2 – Sur ce sujet voir The rise of islam and its negative consequences for the French Left (L'essor de l'islam et ses conséquences négatives pour la gauche et l'extrême gauche françaises, pour le moment en anglais sur le site mondialisme.org).

3 – Sur la chaîne parlementaire (lcp), une jeune journaliste pleine de fougue et d'ignorance, parti interviewer les féministes historiques françaises et accessoirement allemandes pour réaliser un documentaire à ce sujet, s'émerveillait qu'en Allemagne il existe des hôtels uniquement pour femmes, des sex-shops qui leur soient réservés, etc. À sa liste des conquêtes du « féminisme allemand » elle aurait aussi pu ajouter l'existence des call-boys, gigolos d'un soir et autres go-go dancers masculins.

4 – Il existe un autre groupe, à Freiburg, qui se situe sur les mêmes positions, mais qui, lui, est plutôt issu de milieux influencés par l'École de Francfort. Avant d'évoluer sur ces positions, certains de ses membres ont participé à Temps critiques (J. Brühn dans les nos 1 et 3 de la revue et B. Schulze qui a été un des fondateurs de Temps critiques). B. Schulze a depuis rompu avec ce groupe, mais a aussi pris ses distances avec notre revue dans la mesure où il s'oppose dorénavant à toute intervention politique et a rejoint finalement les positions d'Adorno par rapport à tout projet révolutionnaire. [Note de Temps critiques, décembre 2005].

5 – Maintes fois critiqué dans la revue Ni patrie ni frontières et dans les textes traduits par la revue comme par exemple : « Les différences culturelles justifient-elles le sexisme ? » de Janine Booth.

6 – Cf. à ce sujet « The "French touch" in the ceecs* : lay-offs, low wages, limited freedom and high productivity », « La "touche française" dans les nouveaux pays de l'Est : licenciements, bas salaires, violations des libertés syndicales et productivité effrénée » sur le site mondialisme.org. Cet article écrit en août donne de premiers éléments empiriques qui auraient parfaitement pu être utilisés au cours des discussions autour du tce.

7 – Il ne faut cependant pas idéaliser la solidarité entre Français et immigrés. Toutes les activités déployées par le Réseau éducation sans frontières en solidarité avec les enfants de sans-papiers (cf. Ni patrie ni frontières no 11-12 et surtout le site web d'Éducation sans frontières) montrent qu'il existe un potentiel « internationaliste ». Mais sans doute est-ce lié à deux facteurs : d'une part, il s'agit généralement d'enfants mineurs et la compassion est plus grande chez ceux qui les connaissent bien (grâce aux contacts devant l'école, dans les squares, les réunions de parents d'élèves, les fêtes d'anniversaires, les rencontres dans le quartier) que vis-à-vis d'adultes anonymes ; d'autre part, la féminisation prononcée du corps enseignant explique sans doute une plus grande empathie vis-à-vis de ces enfants, car les femmes-professeurs sont souvent mères elles-mêmes. Un immeuble hébergeant de vieux travailleurs d'Afrique du Nord dans le nord de Paris a été vidé de ses occupants le mardi 3 octobre 2005 et, comme le soulignaient ces hommes de 60-70 ans, aucun habitant du quartier ne s'est manifesté, alors qu'ils habitent là depuis des dizaines d'années. Ces prolétaires ont dû passer des heures dans la rue avec leurs affaires, sous la pluie, dans le froid, avant d'être dirigés sur un gymnase où ils dorment sur des tatamis en attendant, en principe, d'être relogés.