Les transformations du rapport salarial
La transformation actuelle des contrats de travail repose la question de savoir si le rapport salarial est principalement une forme structurelle où une forme de la dépendance monétaire. La tendance actuelle semble donner raison à cette dernière hypothèse, car la crise du travail et l’inessentialisation croissante de la force de travail semblent réinstaurer la forme première du rapport salarial qui prend cette forme de dépendance monétaire. La revendication d’un salaire garanti apparaît alors plus comme le fruit d’un constat logique que comme une réelle « revendication ». Cette dépendance monétaire est redoublée par un processus d’endettement des ménages[1]. Ainsi, la position de M. Aglietta sur le retour de la « monnaie-violence[2] » n’est pas incompatible avec celle de M. Lazzarato sur l’endettement puisqu’il rattache dépendance monétaire et norme de consommation dans la société salariale. C’est ce que ne font pas Negri et Virno quand ils en concluent, dans leurs productions récentes, que la domination du capital sur le travail redevient formelle avec le développement du capitalisme cognitif. C’est en effet, toujours se situer dans l’optique du triomphe d’une tendance du capital et non dans la perspective de sa tendance à l’unité et à la synthèse. Ainsi, pour réduire la soumission du travail par rapport au capital à sa forme monétaire, ils sont conduits à oublier la critique fondamentale qu’ils faisaient de la machinerie capitaliste à l’époque des Quaderni rossi, c’est-à-dire au début de l’opéraïsme. Tous leurs développements suivants sur le General intellect dans les années 1970-1980 sont invalidés par leur nouvelle foi en la vertu d’une « valeur-savoir » propre au travail vivant face au savoir mort du capital ; une valeur-savoir qui mettrait fin à la dépendance par rapport au processus technologique[3] ! Ils ne voient dans ce processus que son aspect libérateur et ils oublient son aspect de dépossession/privatisation.
Par ailleurs, l’extension massive du salariat ne s’est pas faite uniquement sur la base d’une force de travail potentielle aux abois. Si les nouveaux salariés issus de l’immigration correspondent à peu près à cette image, l’entrée massive des femmes dans le salariat est le produit d’une évolution générale du rapport social et a constitué un vecteur de la « libération » des femmes. Mais cette entrée des femmes dans le salariat a profondément transformé la conscience de l’exploitation au travail et elle a aussi contribué largement à l’évolution des types de contrats de travail par exemple en introduisant des formes à temps partiel qui ne correspondent pas à la norme salariale régie par le droit du travail tel qu’il a été érigé dans la période du compromis fordiste. Une norme qui s’accordait à ne considérer comme véritable travail que celui à temps complet et à durée indéterminée. L’entrée massive des femmes sur le marché du travail d’une part, les exigences de restructurations industrielles d’autre part ont convergé pour faire sauter cette norme ou du moins ne plus en faire la seule norme. Là encore, on peut remarquer des imbrications qui n’ont rien à voir avec la main du diable, quand les temps partiels « choisis » rendent possibles, à terme, les temps partiels « subis » ou, dit autrement, quand la flexibilité de et pour la force de travail est renversée en une flexibilité sur et contre la force de travail. Question de rapport de force évidemment.
La tendance à la précarisation épouse donc plus qu’elle n’impulse le processus général d’individualisation. Et c’est cela qui bouleverse les anciennes caractéristiques du droit du travail. La CGT en était d’ailleurs bien consciente puisque dans les années 1980 elle a tenté de s’opposer à la pratique des temps partiels avant de s’y rallier en désespoir de cause après des réactions négatives de sa base féminine qui y reconnaissait plus un droit qu’une contrainte. Aujourd’hui la baisse de l’emploi public et donc des temps partiels choisis et la hausse des emplois de service dans le secteur privé et donc des temps partiels subis change la donne dans la mesure où elle s’inscrit dans une tendance à la précarisation des emplois dans certains secteurs.
La subordination du travail au capital s’aggrave
Elle rend plus visible le fait que le contrat de travail n’est qu’en apparence un contrat de vente, car il n’y a pas égalité des contractants, mais subordination de l’un à l’autre. Or aujourd’hui, on ne connaît plus les limites de la subordination, ce que certains voient comme un retour aux conditions des débuts du capitalisme, mais qui nous apparaît d’une tout autre nature. En effet, cette subordination n’est plus uniquement régie par le temps de travail. Intermittents du spectacle et autres cadres supérieurs et enseignants en témoignent. Le concept de journée de travail a perdu de son caractère opérationnel. Ainsi, les NTIC qui forment la substance matérielle du General intellect, présupposent le procès de travail et l’englobent dans le temps général d’un procès de production unifié qui court de l’amont à l’aval. Cela a pour résultat de le faire apparaître moins essentiel, moins central parce qu’il n’est plus qu’un maillon de la chaîne.
Les nouvelles technologies gagnent non seulement sur l’espace privé en abolissant le temps de travail considéré stricto sensu, mais elles envahissent aussi la sphère de la consommation. C’est ce que nous avons décrit comme procès de totalisation du capital. Avec intégration des temps de production et de circulation dans une même temporalité d’ensemble. Les secteurs traditionnels de l’industrie lourde sont les plus touchés par cette nouvelle exigence de mobilité du capital et du travail d’une part, de liquidité des produits d’autre part. Cela les conduit d’une part à licencier par dégraissage en modifiant l’appareil de production dans le sens d’une plus grande flexibilité/adaptabilité (sous-traitance, délocalisations) dictée par une prudence financière et une vision court-termiste imposées par les actionnaires ; et d’autre part à renforcer les innovations organisationnelles qui interviennent sur les conditions de la valorisation ne serait-ce que par une diminution du temps de circulation.
Le but, c’est que les marchandises soient vendues à l’avance et que leur production et circulation ne soient pas un obstacle à leur transformation en capital-argent. Comme nous l’avons dit maintes fois, dans les conditions actuelles le profit n’est pas un résultat, mais une présupposition de l’activité productive. Tout se passe comme si le marché des biens était un marché à terme et que le capital dans sa forme argent pouvait circuler indépendamment de l’incertitude concurrentielle et du rapport social de travail[4]. Ce processus est à la base d’une dynamique particulière par rapport à celle qui reposait sur l’investissement (que ce soit dans le modèle schumpetérien ou le modèle keynésien) et la croissance de la production. En effet, il libère non seulement du temps, mais du capital-argent par économie de capital productif. Quand ce capital-argent n’est pas réinvesti, il vient constituer une manne financière disponible (free cash flow en termes techniques) pour différentes formes de rente[5] ou pour des stratégies de fusions-acquisitions comme nous le montrons dans notre commentaire du livre le capital comme pouvoir dans ce même numéro. Ces fusions-acquisitions permettent à leur tour de nouvelles économies qui peuvent aller alimenter des fonds d’amortissement censés répondre à l’obsolescence accélérée de capital fixe produite par la course à la compétitivité. Là encore, nous ne remarquons aucune « déconnexion » entre sphère financière et sphère dite productive ou réelle, mais ce que nous appelons une « reproduction rétrécie ».
Tout ceci est congruent avec notre critique du temps de travail comme mesure de la valeur et plus généralement avec notre critique de la théorie de la valeur de Marx qui ne tient pas compte des externalités dans la production de valeur ajoutée (non seulement l’économie informelle, mais aussi tout le travail coopératif réticulaire qui fait rentrer le temps libre dans le temps de travail) et ne pouvait tenir compte du caractère aujourd’hui intégré du procès global de production qui ne permet plus de calculer une productivité individuelle du travail ni même une productivité séparée des facteurs et donc leur coût respectif. Il faut d’ailleurs reconnaître que ces transformations rendent aussi caduque toute la théorie du coût marginal en fonction de la productivité marginale, une théorie qui est pourtant censée constituer le guide de chevet de tout bon entrepreneur.
La force-capacité de travail est utilisée sous conditions et dans certaines conditions.
De la même façon, les dimensions technologique et financière ne représentent pas des « dépendances » et encore moins des maux auxquels un capitalisme sain et fondé sur le travail devrait remédier. Capital-argent et technoscience sont incorporés à la marche vers l’unité du capital global et font maintenant corps avec lui.
La tendance actuelle à l’individualisation des salaires
Elle n’a que peu de rapport avec un retour aux salaires au rendement ou au salaire à la tache à domicile puisqu’il représente, à l’inverse de ces formes de lien étroit entre salaire et travail, un lien de plus en plus lâche entre contrat de travail et salaire au point qu’on peut parler de relations de rémunération plutôt que de relations salariales. En effet, une part du salaire individualisé peut être assimilé à une forme de dividende, car que ce soit sous la forme de prîmes, d’intéressement actionnarial ou de stock-options, elle est versée après la vente du produit.
À l’intérieur de ce processus, la notion de revenu devient plus importante que celle de salaire, car dans de nombreux secteurs on assiste à une affectation forfaitaire des prestations de services. Dans ce cas, le revenu est considéré comme un flux variable dont on ne fait le bilan qu’annuellement, alors que le salaire type était considéré comme une part fixe depuis la mise en place des conventions collectives et du fordisme. Dans certains secteurs comme celui des NTIC, il est même parfois considéré comme un chiffre d’affaires. L’extension de contrats commerciaux à des conditions réelles de salariat comme chez les camionneurs montre que cette évolution ne touche pas que les secteurs de pointe.
D’une manière générale le capital essaie de réintroduire des formes présalariales à partir des années 1980 soit à travers l’idéologie archaïque et virile du « gagneur » (les années Tapie), soit avec les images plus modernes du petit patron dont « la petite entreprise ne connaît pas la crise » ou celles modernistes de l’auto-entrepreneur ou de « l’entrepreneur de soi ». Cette nouvelle version du discours du capital vise large puisqu’elle est censée s’appliquer aussi bien au chômeur de grande entreprise qui a touché une indemnité de licenciement conséquente à réinvestir, qu’aux managers et cadres supérieurs qu’on veut transformer en actionnaires-gestionnaires : bonus, stocks options doivent devenir plus importants que le salaire. À cela s’ajoute le fait que les salaires peuvent être complétés par des revenus du patrimoine, que ce soit sous forme d’actionnariat salarié ou sous la forme des fonds de pension dans les systèmes de retraite par capitalisation. Ainsi l’un des premiers fonds de pension a été formé par les employés municipaux new-yorkais au milieu des années 1970. Ce que l’analyste américain P. Drucker a appelé « le socialisme des fonds de pension ».
Cette tendance n’est toutefois pas univoque. Comme nous le disons souvent, tendances et contre-tendances sont une marque de fabrique des rapports sociaux capitalistes, ce qui obscurcit pas mal l’analyse. Ainsi, alors que nous venons de voir que les rapports salariaux sont rognés d’un côté, ils ont tendance à de développer d’un autre. En effet, de nouveaux rapports salariaux s’imposent sous l’égide de l’État avec l’extension du travail déclaré dans le secteur parasocial (cf. par exemple pour les « nounous », différentes catégories de « médiateurs » dans les transports ou les quartiers ou encore les écoles). Mais beaucoup de ces nouveaux salariés restent en marge de la norme salariale, car ils ne bénéficient que de contrats « aidés ».
Les diverses réformes du régime des intermittents qui visent à les faire passer sous les fourches caudines de la norme sociale salariale montrent aussi que ces transformations des contrats et rapports salariaux ne convergent pas comme le supposerait un plan maléfique du capital. Ne l’oublions pas le capital n’a pas de forme privilégiée. Il les utilise toutes, sachant qu’en dernier ressort c’est la fluidité qu’il privilégiera.
Dans la théorie marxiste, l’articulation valeur-valeur d’échange repose sur la médiation du rapport salarial (formation, dépense du revenu), mais c’est cette articulation par le salaire que le capital a de plus en plus de mal à reproduire. En effet, à la part des revenus de transfert de l’État-providence qui reste importante, quoiqu’on en dise, au moins en France et surtout quand les revenus du travail stagnent ou même régressent, s’ajoute maintenant une portion croissante de revenus financiers au sein des ménages, d’épargne salariale (la plupart des centaines de milliers de petits actionnaires ne sont que des « ayants droit »). Le nombre de personnes recevant ces nouvelles formes de rente est beaucoup plus élevé qu’on ne le croit généralement. Certains réformistes optimistes comme Aglietta y voient même une nouvelle stratégie possible de conquête ouvrière ou au moins salariale par le contrôle de la stabilité de la propriété que cela pourrait constituer si la tendance se confirmait et surtout si elle s’accentuait. Une nouvelle mouture du gaullisme de gauche pour ne pas désespérer les salariés « garantis ».
Il n’y a pas de tendance irréversible vers ce que certains appellent le précariat.
Même si le salariat s’est diffusé massivement et est même devenu universel, cela n’a pas donné une véritable universalité de conditions que la période fordiste laissait supposer. On assiste plutôt maintenant à une fragmentation au sein du salariat et à son pourtour, dans des zones grises d’entre-deux. Mais l’effritement de la norme sociale salariale du fordisme n’a pas non plus produit, pour le moment du moins, un nouveau type de rapport salarial comme le croyaient par exemple les opéraïstes des années 1970. Il y a plutôt une multiplication de situations transitoires (chômage, CDD, intérim, stages, diversité et instabilité des formes familiales, etc.). Comme l’exprime U. Beck[6], les risques liés au travail salarié augmentent sans obéir pour autant au modèle marxiste de la « prolétarisation ». La massification du salariat non seulement n’a pas produit d’unification des conditions en maintenant toujours des fragmentations, mais les nouvelles conditions de risques afférentes aux restructurations depuis les années 1980, n’ont pas créé en elles-mêmes de bases communes d’action. C’est que l’intégration de la technoscience dans la production industrielle a complètement transformé le rapport entre travail et lieu de travail. L’usine comme lieu unique et centralisé de concentration de force de travail taylorisée, avec la nécessité de la coopération et des solidarités qui en découlent, laisse peu à peu la place à de nouvelles configurations organisationnelles qui mêlent centralisation des pouvoirs décisionnels et déconcentration de l’organisation du travail et des prestations de services, à travers des réseaux d’information. Dans ces nouvelles configurations, c’est toute l’ancienne organisation hiérarchique du travail basée sur une division verticale stricte entre dirigeants de différents niveaux et la base des exécutants, mais aussi la garantie qu’à l’intérieur de cette structure, la qualification et l’ancienneté du salarié soient reconnues, qui est remise en question. La compétence abstraite tend donc à remplacer ou au moins à se superposer aux qualifications concrètes ce qui permet l’individualisation des postes de travail et des salaires tout en court-circuitant l’institution syndicale qui, pendant les Trente Glorieuses, avait accepté toutes les formes de travail imposées par le capital pourvu que ces formes augmentent la valeur du travail. Par exemple les risques professionnels augmentaient la valeur du travail, car elles se monnayaient en prîmes de la même façon que les syndicats négocient aujourd’hui de meilleures conditions de retraite pour les salariés victimes des pires conditions de travail comme s’ils s’apercevaient d’un coup de la dangerosité extrême de ces types de travail !
Les normes sociales et salariales n’ont pas été balayées par la finance cosmopolite et sans visage, mais par les restructurations des grandes entreprises dans le cadre de la priorité donnée à la capitalisation.
Nouvelle gouvernance, production pour le gain de parts de marché (compétitivité) plus que production pour l’extension du marché (le toyotisme supplante le fordisme), ouverture actionnariale plus qu’autofinancement constituent la nouvelle donne de cette « reproduction rétrécie ».
C’est toute la conception du travail qui s’en trouve remise en cause. Auparavant, le patronat concevait le travail comme un facteur de production source de valeur ajoutée même si évidemment se posait ensuite le problème du partage de cette valeur ajoutée. Or aujourd’hui les entreprises ont tendance à le considérer comme une consommation intermédiaire au même titre que les matières premières, ou les produits semi-finis. Le travail peut donc être considéré comme un « intrant » qu’il faut externaliser au maximum. On comprend dans cette perspective les tendances lourdes actuelles d’une différenciation entre une main-d’œuvre très qualifiée que les entreprises traitent comme du capital fixe (de la ressource humaine) et une force de travail peu qualifié ou sans expérience utilisée de façon très occasionnelle grâce aux nouvelles formes de contrats précaires légalisés. Pour cette main-d’œuvre jetable, le concept marxien de « capital variable » retrouve toute sa pertinence après la parenthèse des Trente glorieuses qui avait semblé l’invalider en faisant des travailleurs « garantis » une fraction de capital fixe puisque, comme pour les machines et autres immobilisations, son coût était constant, quel que soit le niveau conjoncturel d’activité réelle. C’est cette « réserve » qui expliquait la profusion des stocks ou les périodes de chômage technique et qui est aujourd’hui considérée comme de la mauvaise graisse.
Dans le même ordre d’idée, la position du syndicat patronal (MEDEF) est de ne plus assurer la continuité entre les temps de travail effectifs et les temps de formation. Il veut casser le contrat de travail en cas de formation, car il ne s’agit plus de former ce qui sera une ressource humaine pour telle ou telle entreprise précise, mais d’utiliser un capital humain abstrait qui aura été formé ici ou ailleurs, peu importe, puisqu’on peut s’adresser au marché national ou mondial s’il le faut, suivant les besoins. L’ANI correspond bien à cette vision de fluidité de la ressource humaine devenue sans attache par rapport à un lieu de travail particulier, mais une fluidité qu’il faut encadrer et compenser (le flexisécurité).
Plus que jamais, c’est aujourd’hui le capital tout entier qui achète potentiellement la force de travail disponible tout entière.
Le rapport marchand semble donc s’imposer au rapport salarial parce qu’il englobe de plus en plus l’ensemble des rapports sociaux dans la mesure où salariés et consommateurs ou usagers sont intégrés à un même processus. Mais il n’est pas le rapport social capitaliste parce qu’il exprime trop crûment les rapports de subordination et de domination du capital. Il ne peut s’exprimer et a fortiori se développer que s’il est réglementé par l’État et présenté aux individus démocratiques sous des formes impersonnelles et juridicisées. D’où l’importance réaffirmée aujourd’hui du contrat de travail et les polémiques ou luttes autour de transformations qui remettent en cause les sources traditionnelles de son institutionnalisation (cf. les divergences syndicales à propos de l’ANI)
Nous conclurons sur un paradoxe puisque le temps des contradictions semble lointain
La situation qui découle de ces transformations de la condition salariale et du travail est déplorée par les syndicats et plus généralement par toutes les forces de « la gauche de la gauche » comme le signe de la « casse » des bastions de l’ancien mouvement ouvrier et la source de son affaiblissement. Or, elle aurait dû être la prémisse à une insubordination généralisée contre le capital sans illusion, pour les salariés, sur un quelconque intérêt à défendre une position particulière au travail. C’est en tout cas ce qu’envisageait Marx quand il voyait dans le prolétaire américain déraciné et interchangeable la figure même du futur révolutionnaire.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette hypothèse ne s’est pas vérifiée. Pas de défaitisme particulier dans ce constat, mais il faut chercher à savoir en quoi et jusqu’où l’hypothèse a failli.▪
automne 2013
Notes
1 – M. Lazzarato, La fabrique de l’homme endetté, Amsterdam, 2011.
2 – M. Aglietta, La violence de la monnaie, PUF, 1982.
3 – Dans la même veine néo-opéraïste, Carlo Vercellone dans l’ouvrage collectif qu’il a dirigé : Sommes-nous sortis du capitalisme industriel (La Dispute, 2003) critique les interprétations en terme de fin du travail comme étant le produit d’une hypostase technologique et surtout il va jusqu’à réécrire toute l’histoire des conflits du travail entre 1968 et 1973 comme une révolte du savoir vivant contre le savoir mort du capital fixe. Alors que les opéraïstes eux-mêmes l’avaient qualifiée comme mouvement de refus de la part des OS, il semble privilégier les quelques pratiques autogestionnaires de la part d’ouvriers très qualifiés et de techniciens.
4 – Cf. L’article de P. Dieuaide dans Sommes-nous sortis du capitalisme industriel, op. cit., p. 237.
5 – Une partie de cette rente pourrait d’ores et déjà être socialisée sous forme de revenu garanti qui permettrait le développement d’une mobilité choisie. Rien de révolutionnaire là-dedans même si les premiers à en parler furent Robespierre avec son « droit à l’existence » et Paine avec son revenu minimum garanti pour les plus de 50 ans et une somme allouée à l’âge de 21 ans, les mesures étant financées par la rente foncière ; Keynes le prévoyait aussi dans « Perspectives économiques pour nos petits enfants », in Essais sur la monnaie et l’économie : le cri de Cassandre (Payot, 1990, p. 127-141).
6 – Ulrich Beck, La société du risque, Aubier, 2001.