Temps critiques #9

Ni médiateurs, ni médiatiques, nous sommes la médiation

Porte-caméras de la puissance d’État se voulant communicante, « les médiateurs » envoyés dans chaque université sont-ils autre chose qu’une banale mais néfaste diversion ? Nous n’avons rien à attendre de cette manœuvre, puisque ces envoyés ne sont que des intermédiaires médiatiques sans aucun pouvoir de médiation. Leur tour de piste accompli, ils se contenteront au mieux de transmettre à leurs envoyeurs les exigences quantifiées des universités en grève, ce que les présidents ont déjà fait la semaine dernière avec le succès que l’on voit : prenons garde que leur numéro de Monsieur Loyal ne vienne empirer la confusion idéologique sur l’affrontement en cours. Confusion qui a pourtant déjà réalisé quelques performances dans la mystification, puisqu’on a vu le jeudi 23 novembre les médias jouer « la grogne étudiante » comme ils disent, contre la grève des fonctionnaires du vendredi 24, en exaltant l’une et en déconsidérant l’autre…

L’essentiel, pour ce mouvement — si nos luttes actuelles expriment bien un réel refus des conditions universitaires et sociales existantes —, l’essentiel, pour ce mouvement, consiste à découvrir sa théorie, c’est à dire à manifester le devenir-autre de l’université et de la société. Se donner comme visée immédiate le passage du quantitatif au qualitatif, voilà l’urgence absolue d’aujourd’hui. Sans abandonner aucune des nécessaires exigences quantitatives destinées à mettre fin à la clochardisation généralisée des universités, il s’agit, dès maintenant, de construire la critique de toutes les réformes possibles de l’université.

« Statut de l’étudiant, premiers et deuxièmes cycles, orientation, politique de recherche, financement des universités, etc. » ; tous ces « problèmes de fond » — que la CPU, les syndicats et même certaines composantes de la coordination nationale sont si pressés de négocier, chacune et chacun cherchant à faire monter la mise de son racket politique — resteront des problèmes sans fond tant que la médiation historique à laquelle nous œuvrons, dans ce mouvement comme ailleurs, ne nous aura pas permis de sortir de la société du capital et de son monde.

Faire tomber un ministre (1986), obtenir quatre milliards (1990), ou bien encore faire annuler un décret (1994) représentent un résultat non négligeable à la condition de ne pas s’en tenir là, et de trouver le second souffle qui a fait défaut aux mouvements précédents. Préparons le second souffle et les suivants…

Union des grévistes pour le second souffle

Montpellier 27.11.95