Quelques remarques autour de la question d’un monde sans argent
Un point de théorie : argent et capital
Commencer par l’argent en tant que forme simple est une question que Marx s’est posée. Par exemple Negri reprend cette idée puisque faisant des Grundrisse l’œuvre la plus fondamentale, car la plus communiste, de Marx, il fait remarquer que ce dernier débute effectivement par le chapitre sur l’argent. Postone et Astarian partent eux du travail, autre forme simple, Invariance et nous partons au contraire du capital même si à ses débuts il n’apparaît que sous ses formes simples de production, de travail. On peut donc considérer que l’argent est dans un premier temps une présupposition du capital. Mais dans un second temps, l’argent est aussi résultat du procès. Dit autrement, à partir d’une certaine phase de développement, celle de sa « domination réelle », le capital n’est plus présupposé par ses formes simples mais il s’auto-présuppose1. Le capital domine la valeur.
Partir de l’argent, ce n’est pas faire une fixation anarchiste sur et contre l’argent, mais reconnaître que l’argent pré-existe au capitalisme et se déploie dès l’apparition de la production marchande simple.
Et c’est aussi énoncer que l’argent se trouve à la fois à l’origine et à la fin du processus, c’est-à-dire qu’à la fin du processus, il semble être sa propre fin (c’est ce que dénoncent tous ceux qui crient haro sur la finance et parlent en termes de déconnexion) alors qu’il ne fait que manifester que c’est le capital sous la forme de la capitalisation qui est cette fin au cours de laquelle le capital semble s’auto-présupposer, par exemple, en dehors du travail vivant à travers la double abstraction du profit et de la puissance. C’est cette capacité d’auto-présupposition du capital qui produit l’impression de « système » et pousse à reprendre la critique sous des termes moraux dans l’anticapitalisme populiste des anti-finance et anti-argent.
Dans la critique que Marx adresse à Proudhon dans les Grundrisse, il y a le reproche de vouloir couper la valeur d’échange et la circulation marchande d’un côté, de l’argent et du capital de l’autre, les seconds ayant faussé les premiers. Ce processus social, d’après Proudhon, aurait pu ne pas être et les produits ou marchandises auraient pu être pilotées sans l’argent par l’intermédiaire d’une banque populaire et un système de bons de travail. Mais n’est-ce pas ce que le Plan soviétique a essayé à sa manière et d’une façon plus centralisée en voulant supprimer tout intermédiaire ?
En fait, Proudhon ne différencie pas valeur d’usage et valeur d’échange, car toute son analyse, à la différence de celle de Marx, plus tardive, est concentrée sur la petite production marchande (la circulation simple de Marx) et il saisit donc mal le double caractère originel de la marchandise et il se fait critiquer pour cela par Marx. Mais aujourd’hui ce double caractère a été remis en cause par le capital. Rien ne sert de s’attaquer à la valeur d’échange sous forme argent s’il n’y a plus de valeur d’usage ou si, plus exactement, elle est remise en question par le capital en se détachant complètement de la notion de « besoin » (la mode, l’obsolescence programmée). C’est le triomphe des théories néo-classiques de l’utilité débarrassées de toute référence éthique et sans le contrepoint suffisant d’un mouvement critique pratique attaquant le problème du côté de la production ou/et celui de la consommation.
On en revient toujours à qu’est-ce qu’on produit et pourquoi, qui le produit et comment ça s’échange, mais la question de l’argent n’est pas première.
Partir de l’argent, c’est ne pas partir du rapport social capitaliste dans sa spécificité. Idem si on part de la production ou du travail. Et partir du capital c’est impossible car ce n’est pas un élément « simple ».
C’est pour ça que Marx part de la marchandise. Je ne parle pas ici de la question du fétichisme chère à l’IS et à Krisis, mais de l’analyse de la marchandise dans le procès de circulation simple, ce qui est moins glamour, je le reconnais.
La reprise d’un questionnement récurrent dans les théories de la révolution
Comme le dit très bien Bruno S., Moses Hess posait déjà cette question il y a maintenant presque deux siècles. Elle agita aussi les milieux anarchistes et collectivistes espagnols pendant la révolution espagnole et les milieux de la gauche germano-hollandaise aussi.
Pour revenir à une époque plus contemporaine, cette question a déjà fait l’objet de nombreux textes et débats après le dernier assaut révolutionnaire du tournant des années 60-70, sous l’impulsion de revues-groupes comme Quatre millions de jeunes travailleurs puis La guerre sociale pour ne citer qu’elles. Sans me prononcer directement sur les idées exprimées à l’époque on peut tout de même noter que le contexte de révolte avancée contre l’ordre général des choses, à un niveau international qui plus est, permettait au moins, quoiqu’on en pense sur le fond, de ne pas poser la question d’une manière trop abstraite puisqu’elle pouvait même apparaître comme dans l’air du temps avec la critique idéologique de la « société de consommation » qui rencontrait un écho certain dans de larges couches de la population et particulièrement chez les jeunes.
Il faut toutefois reconnaître que cette critique était le plus souvent bornée par son horizon théorique de classe qui la conduisait à ne concevoir la question qu’à l’intérieur du « programme prolétarien » révolutionnaire, par exemple en exhumant les vieux textes conseillistes sur les bons de travail ou La critique du Programme de Gotha de Marx ou en essayant de sauver la valeur d’usage au détriment de la valeur d’échange cause de tous les maux. Une perspective que l’on retrouve encore dans des textes libertaires contre l’argent où le terme d’utilité semble servir de recette miracle pour la production et celui de distribution des richesses (« tout est à nous, rien n’est à eux ») de sésame pour l’échange. D’ailleurs, les éléments les plus maximalistes dans ce qui restait de gauche communiste défendaient encore l’idée d’un communisme réalisant la suppression de l’échange parce que celui-ci ne serait concevable que sous forme marchande. C’est encore la position de Bruno S. aujourd’hui alors que c’est devenu un credo néo-libéral dans la révolution du capital !
Cela signalait aussi une méconnaissance des premières formes d’échanges2 ou alors la réduction de la dimension symbolique à la dimension économique dans des sociétés qui ne connaissaient pourtant pas « l’économie » (cf. la position de Bordiga sur le don, dans l’article de Bruno S.).
À l’inverse, peu défendaient celle d’un échange généralisé non marchand3.
Bref la réflexion portait encore sur ce qui se passerait dans une phase de transition au communisme, dans le « socialisme inférieur » comme disent les marxistes orthodoxes. Certains, moins orthodoxes ou moins ouvriéristes en tout cas, couplaient ça avec une référence marquée au « communisme primitif » qui aurait été pratiqué dans de premières formes de société (les « sociétés primitives »). C’était un peu maintenir une perspective utopique, mais de sens inversé en cherchant dans le passé les clés de l’avenir. C’était d’ailleurs parfaitement contradictoire et incohérent par rapport à la doxa marxiste selon laquelle c’est la connaissance de la nature de l’homme qui donne les clés pour comprendre l’anatomie du singe et non l’ordre chronologique. Ceux qu’on appelle aujourd’hui les « primitivistes » seront à cet égard plus cohérents et abandonnèrent le marxisme ou l’anarchisme.
Il faut dire qu’à l’époque la référence aux sociétés primitives débordait largement les milieux radicaux et militants. Elle était portée par un succès certain des études anthropologiques et ethnologiques à la suite de Lévi-Strauss et de la mode structuraliste sur les systèmes de parenté, mais aussi d’auteurs plus « subjectivistes » comme Margareth Mead qui étaient en extrême empathie avec leur sujet d’étude et cherchaient à la faire partager. Ainsi, les gentils Arapesh de Mead prendront racine pour au moins vingt ans dans les manuels de classe de seconde des élèves de sciences économiques et sociales.
Ces références étaient en tout cas plus réjouissantes que celles défendues par les différentes catégories de staliniens sur la patrie du socialisme ou l’Orient rouge et permettaient de maintenir une perspective utopique pour ceux pour qui le socialisme réel faisait figure de repoussoir. Mais cette référence au « communisme primitif » relevait d’une perspective encore optimiste dans un contexte où tout semblait pouvoir changer sans que l’on puisse ou doive exactement plaquer « le programme » et permettait aussi de donner une note un peu hédoniste à la révolution. En tout cas, cela tranchait avec les slogans triviaux des maos du style « la révolution ne se fait pas en tenue de gala » ou autres métaphores du même tonneau ; et avec le programme d’établissement des intellectuels dans les usines ou les champs de façon à rompre avec la division travail intellectuel/travail manuel. Mais bien vite des chercheurs militants comme Clastres montrèrent que même des « sociétés contre l’État » pouvaient être féroces et n’avoir rien d’égalitaire ou de communiste alors que d’autres (la revue du MAUSS) dénoncèrent la légende du troc4 fabriquée par les économistes et relativisèrent les pratiques du don transformées en idéologie anti-capitaliste avant la lettre.
Contemporanéité ou non-contemporanéité de la question ?
Le retour aujourd’hui de cette vieille antienne sur les sociétés primitives est d’ailleurs étonnant et il semble se situer dans la même absence de références aptes à affronter le cours actuel des choses qu’il y a plus de quarante ans. Mais dans un tout autre contexte qui n’est plus celui d’une effervescence révolutionnaire mais celui, après notre défaite, d’un grand pessimisme par rapport à nos possibilités d’agir sur le cours actuel. L’intérêt pour les sociétés primitives fonctionne alors dans la gauche radicale et chez les libertaires comme un effort velléitaire pour lier le passé et le futur sans lien avec le présent.
Poser aujourd’hui la question de la possibilité d’un monde sans argent paraît alors à la fois daté et une façon abstraite d’aborder les questions de la valeur, des prix, de la gratuité… et celle de la monnaie.
Cette question de la monnaie doit d’ailleurs être distinguée, au niveau théorique, de celle de l’argent, mais cette distinction ne pourra être mise au grand jour, avec tous ses effets pratiques, que dans le cadre d’une très grave crise monétaire (et non pas seulement financière comme en 2008) dont on est encore loin tant la position du dollar est solide à court et moyen terme. Mais pour l’instant, tout cela est brouillé par deux faits. Le premier, d’apparence technique, est celui de la dématérialisation de la monnaie. Doublé d’une croissance exponentielle du crédit ses effets sont pourtant politiques, l’argent se trouvant déconnecté de son support. Le second, par le fait que, outre sa signification d’une solvabilité immédiate, la monnaie apparaisse aussi comme un instrument de communication sociale. La monnaie est un langage, une médiation productrice d’un lien social dit Aglietta à partir d’une relecture des thèses de René Girard sur la monnaie-violence. Et une circulation d’information censée garantir le passage du présent au futur.
Ce qui se passe en Grèce est d’ailleurs symptomatique de cette stabilisation monétaire quand les institutions européennes, pourtant très réfractaires au projet du nouveau gouvernement grec, ont volé à son secours pour empêcher un écroulement de l’euro en cas de « Grexit ». À l’inverse, le retour à la monnaie nationale aurait rapidement fait perdre toute valeur à la drachme, ce qui aurait alors posé le problème d’une Grèce avec monnaie mais sans argent (déconnexion entre le signe monétaire et la richesse réelle), mais isolée et sans perspective communiste (la Grèce actuelle n’est pas la Catalogne ou l’Andalousie d’hier ; elle n’est pas non plus « le monde »). La conséquence n’en est pas la même. Dans le premier cas, celui qui s’est produit pour le moment, le maintien de l’euro et donc de la monnaie-argent a conduit à une forte hausse des prix mais pas à sa mise hors jeu. Dans le second cas, qui n’est pas inenvisageable à terme, l’écroulement de la valeur argent de la monnaie conduirait forcément à sa remise en cause partielle ou totale. Cette perspective n’en est de toute façon pas une pour nous car, au mieux, dans le rapport de force mondial défavorable actuel, elle ne pourrait qu’activer une politique du type du « communisme de guerre » de 1919 en URSS.
C’est a contrario cette absence d’élément stabilisateur qui a permis que se développent en Argentine, au début des années 1980, des « clubs de troc ». « Monnaies fondantes » et monnaies locales sont de même ordre. Elles sont de l’ordre de la reproduction immédiate de rapports sociaux marchands traditionnels qui ne sont plus reproduits pour une raison quelconque. Ainsi, le développement des SEL (systèmes d’échanges locaux) indique que le procès global de valorisation tendant de plus en plus à secondariser le procès de travail vivant (inessentialisation de la force de travail), sa réalisation sous forme monétaire n’irrigue plus suffisamment le rapport social dans son ensemble. La demande non solvable (une catégorie virtuelle de l’économie politique à laquelle le crédit et la société de consommation ont donné corps depuis) s’invente de nouvelles médiations et instruments d’échanges5.
D’une manière générale, avec la « révolution du capital » il s’agit bien d’une sorte de réalisation du « socialisme inférieur », non pas par la suppression de l’argent pour réaliser le « De à chacun selon ses capacités à chacun selon ses besoins » socialiste, mais par sa généralisation et sa banalisation sous des formes de plus en plus abstraites : dématérialisation de la monnaie qui ouvre la voie à la consommation de masse et en masse en masquant la valeur du prix, crédit à vie (et non pas « crédit à mort » contrairement au titre du livre d’Anselm Jappe !) qui permet de reproduire le tout en socialisant toujours plus les revenus6 et les échanges.
On est bien loin du fétichisme de l’argent quand la consommation apparaît comme une manne de produits disponibles qui se déversent quasi automatiquement, certes de façon très inégale, mais sur une base minimum toujours plus haute. À la limite, on pourrait dire que le fétichisme ne réapparaît que dans le manque de ceux qui sont poussés dans les marges par le rouleau compresseur des restructurations économiques, la crise du travail, les nouvelles situations sociales créées par l’éclatement du modèle familial et les nouvelles mesures d’intervention de l’État qui se déplacent de l’assurance vers l’assistance.
En pratique
Ce n’est pas l’existence de l’argent qui fait que je vends ma force de travail mais l’inverse ; c’est parce que je la vends qu’il y a argent et surtout salariat. Et tout de suite quand on dit ça, ce qui est une banalité de base, on voit bien que la critique théorique principale à faire est celle du salariat et pas de l’argent. De la même façon, dans la pratique, la lutte sur le salaire et même contre le salariat apparaît comme une lutte concrète à mettre en place et à livrer dans les entreprises comme à Pôle-emploi. Alors que la lutte contre l’argent est abstraite, idéologique, intemporelle et détachée de tout contexte historique d’une part. Et c’est ce contexte qu’il faut qualifier avant de proposer une sortie ou a fortiori un programme. En effet, la révolution du capital crée autant les conditions de l’extension de l’argent avec l’extension marchande que de sa perte d’importance avec la réduction à presque zéro de certains coûts de production grâce aux NTIC. Il y a là un mouvement contradictoire qui n’est pas joué à l’avance, car il est déterminé justement par un rapport social spécifique et le jeu de forces et de rapports de force. Son issue dépend donc de ce rapport de forces. À mon avis, c’est comme ça qu’on doit envisager la question si on veut faire autre chose que « se faire plaisir ».
Puisque je parle en termes de rapport de forces, il n’est pas question non plus de construire n’importe quel rapport de force. Et c’est justement en ne partant pas de l’argent qu’on peut éviter de se retrouver dans un vaste front anti-capitaliste en paroles et anti-finance en pratique sans parler de l’aspect moraliste de la critique7.
Cela se double d’un risque supplémentaire puisque l’argent remonte à très loin dans l’histoire des sociétés et que sa critique peut conduire à une analyse en terme d’errance de l’humanité avec remise en cause de tout son cheminement et de la notion de progrès, de celle d’émancipation, etc.
La critique du capital se dilue alors soit à l’extrême dans l’idéologie « primitiviste », soit, ce qui est plus courant, dans la critique anti-industrielle.
Jacques Wajnsztejn
Notes
1 – Cf. mes notes « Quarante ans plus tard : retour sur la revue Invariance », disponible sur le site de Temps critiques :
http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article306
2 – Sur ce point, on peut se reporter à l’article de B. Pasobrola « Remarques sur le procès d’objectivation marchand » dans le n° 15 de la revue Temps critiques, 2010, p. 125 à 136, disponible sur le site de la revue à :
http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article209.
Cf. aussi les thèses de Alain Testart sur la valeur non-marchande, les fonctions symboliques de la monnaie, etc.
3 – Les situationnistes par exemple et un peu plus tard, le MAUSS.
4 – Il est piquant de remarquer que Marx fait partir toute son analyse de l’échange de l’exemple du fer et du froment ! Contrairement à sa méthode traditionnelle d’analyse qui explique le passé à partir du présent, il tente d’expliquer l’échange marchand à partir du troc. Pour une critique de cette version utilitariste des économistes et des marxistes et aussi sur les « monnaies sauvages », on peut se reporter à l’article de Bernard Pasobrola : « Remarques sur le procès d’objectivation marchand » (Temps critiques, no 15, p. 128-136). Selon cette hypothèse, l’argent, comme catégorie économique, serait né de la fusion entre deux processus : d’une part le processus magique (mana) qui animait les monnaies primitives et, de l’autre, celui des documents comptables liés aux échanges commerciaux des premières cités-États. En attribuant la primauté à sa fonction symbolique en relation à son aspect pratique, B. Pasobrola réfute la vision de l’argent comme simple intermédiaire facilitant les échanges et celle de la notion d’usage comme correspondance « naturelle » au « besoin ». D’une manière plus générale, quand l’économie politique, et même ses critiques, relèvent la présence d’échanges « commerciaux », ils présument qu’il y a marché et quand il y a monnaie, ils présument commerce et marché. Or le commerce et la monnaie existent dans des sociétés sans marché.
5 – Cf. la question des SEL in J. Wajnsztejn, Après la révolution du capital, Paris, L’Harmattan, 2007, p. 240-253 ; et aussi, sur les nouvelles formes de monnaie, J. Guigou et J. Wajnsztejn, Crise financière et capital fictif, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 69-80.
6 – Le projet qui est en train de sortir de la contestation de la loi El Khomri sur le travail et qui vise à garantir un revenu jeune s’inscrit tout à fait dans cette perspective. Le revenu continue à se détacher du travail, mais sa part sous forme argent reste importante.
7 – Un moralisme déjà dépassé chez Aristote, particulièrement dans La Politique (I. 9), où l’argent n’est pas posé comme une malédiction ni comme un fétiche, mais comme un moyen de satisfaire un appétit de vivre illimité. Pour lui, les hommes ne veulent pas « vivre bien », c’est-à-dire selon la vertu, ils veulent vivre tout court. Sur ce point on peut se reporter à mon texte « Une énième diatribe contre la chrématistique » à propos d’un article de Jappe dans le journal Le Monde, disponible sur le site de la revue à :
http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article285