Adresse aux lecteurs
Le premier numéro de Temps critiques paraissait il y a déjà 6 ans !
Un petit bilan s'impose car la situation a évolué, nos idées se sont précisées.
S'il s'agit bien toujours du temps de la critique, il devient aussi nécessaire d'affirmer un certain nombre de choses sans pour cela qu'elles recouvrent la nature de véritables positions. En ce sens, le mouvement de novembre-décembre 95 nous indique quelques voies que nous avons mentionnées à la fin de notre supplément consacré aux dernières luttes.
Il s'agit aussi d'affirmer plus clairement la nécessité d'une intervention politique comme le dit Loïc Debray dans ce no 9. Là encore le dernier mouvement peut nous être d'un grand secours aussi bien dans ses avancées que dans ses manques et ses limites.
D'une manière générale, la vision qui s'exprimait dans la 4ème de couverture est extrêmement datée et correspond au double choc produit par la prise en compte de la dissolution de la classe antagoniste d'une part et la tendance à la réalisation de l'utopie du capital ; se retrouver seul face à lui-même d'autre part.
Face à cela nous signalions la quête identitaire et la réactivation des anciennes déterminations comme des éléments de résistance et la manifestation de la persistance de la tension individu-communauté à l'intérieur de la société du capital. Notre première tâche était donc de faire un bilan critique des transformations à l'œuvre : l'unification de la société du capital (no 1 sur l'Allemagne et l'écroulement des pays de l'Est) ; la caractérisation de l'individu (l'individu-démocratique du salariat, no 2), les transformations de la crise du travail à partir des théories de l'inessentialisation de la force de travail, de « l'aliénation initiale » et de la valorisation des ressources humaines (no 4) ; l'analyse de la valeur sans le travail et la caractérisation de ce que, faute de mieux pour le moment, nous nommons « système de reproduction capitaliste » (no 6/7 et no 9) et enfin l'analyse des classes sociales, leur rôle historique dans l'avènement de la modernité et du monde de l'urbain mais aussi leur déclin en tant que forces antagonistes, en tant que « classe pour soi » exprimant ainsi une vision globale du monde substrat d'un projet de transformation (no 6/7).
Parallèlement nous affirmions aussi certains points : refus du nouvel ordre mondial (no 3 sur la guerre dans le Golfe) ; le rôle fondamental de la tension individu-communauté pour ne pas en rester à une simple opposition entre les termes, opposition qui amène immanquablement à en sacrifier un au profit de l'autre (no 5, no 8) ; nécessité néanmoins de partir de l'individu aussi bien comme base objective de l'analyse (l'individu du salariat, l'individu de la particularité) que comme projet politique (l'individu de la singularité, nos 2, 5, 6, 1, 8).
Mais dans tous ces cas nom restions encore sur les bases théoriques de la première phrase de la 4ème de couverture : « le rapport social capitaliste tend à occuper tout l'espace-temps des êtres humains », comme si les jeux étaient faits, comme si il n'y avait plus qu'à attendre un improbable sursaut. Par là-même nous négligions l'ampleur de la crise de ces rapports sociaux ainsi que les difficultés de reproduction d'ensemble du système.
Les deux tendances* correspondant à cette diversité d'approche coexistent encore à l'intérieur de la revue. La première, dans la continuité de la 4ème de couverture originelle parle ainsi de « parachèvement » pour indiquer le sens des dernières transformations ; la seconde, d'une crise telle qu'elle remet en cause les fondements du mode de production capitaliste et ouvre de nouvelles perspectives de luttes Le choix de la nouvelle version de la 4ème de couverture indique donc une inversion de dominante dans la revue.▪
Notes
* – Tendances doit être pris au sens d'approches différentes mais compatibles à l'intérieur d'une même revue. Il n'y a pas d'unification a priori de la critique.